Alexis Zorba by Kazantzaki Nikos

Alexis Zorba by Kazantzaki Nikos

Auteur:Kazantzaki, Nikos [Kazantzakis, Nikos]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Plon
Publié: 2022-01-10T00:00:00+00:00


14

SAMEDI après-midi, 1er mars. J’étais appuyé à un rocher face à la mer, en train d’écrire. Ce jour-là, j’avais vu la première hirondelle, j’étais joyeux, l’exorcisme contre Bouddha courait sans obstacle sur le papier, ma lutte contre lui s’était tempérée, je n’étais plus pressé et j’étais sûr de la délivrance.

Soudain, j’entendis des pas sur le gravier. Je levai la tête et aperçus, roulant le long du rivage, parée comme une frégate, échauffée, essoufflée, notre vieille sirène. Elle semblait inquiète.

— Est-ce qu’il y a une lettre ? cria-t-elle avec anxiété.

— Oui ! répondis-je en natif, et je me levai pour l’accueillir. Il te fait dire bien des choses, il pense à toi jour et nuit, il dit qu’il ne peut ni manger ni dormir et qu’il ne supporte pas la séparation.

— C’est tout ce qu’il dit ? demanda l’infortunée à bout de souffle.

J’eus pitié d’elle. Je sortis la lettre de ma poche et fis semblant de lire. La vieille sirène ouvrait sa bouche édentée, ses petits yeux clignotaient et elle écoutait, haletante.

Je feignis de lire, et comme je m’embrouillais, je faisais semblant de mal déchiffrer l’écriture : « Hier, patron, j’étais allé déjeuner dans une gargote. J’avais faim. Je vois entrer une jeune personne de toute beauté, une vraie déesse. Bon Dieu ! Comme elle ressemble à ma Bouboulina ! Et, aussitôt, mes yeux se sont mis à couler comme des fontaines, ma gorge s’est serrée, impossible d’avaler ! Je me suis levé, j’ai payé et je suis parti. Et moi, qui pense aux saints une fois tous les trente-six, la passion m’a frappé si fort, patron, que j’ai couru à l’église de Saint-Minas pour lui faire brûler un cierge. « Saint Minas, que j’ai dit dans ma prière, fais que je reçoive de bonnes nouvelles de l’ange que j’aime. Fais que très bientôt nos ailes soient réunies ! »

— Hi ! Hi ! Hi ! fit Dame Hortense, dont le visage s’illumina de joie.

— Pourquoi ris-tu, ma bonne ? demandai-je en m’arrêtant pour reprendre mon souffle et combiner de nouveaux mensonges. Pourquoi ris-tu ? À moi ça me donne envie de pleurer.

— Si tu savais… si tu savais… gloussa-t-elle en pouffant.

— Quoi donc ?

— Les ailes… c’est comme ça qu’il appelle les pieds, le scélérat. C’est comme ça qu’il les appelle quand on est seuls. Que nos ailes soient réunies, qu’il dit… hi ! hi ! hi !

— Mais écoute la suite, ma bonne, tu vas en rester ébahie…

Je tournai la page et fis de nouveau semblant de lire :

Aujourd’hui, encore, je passais devant la boutique d’un coiffeur. À ce moment, le barbier vidait dehors sa cuvette pleine d’eau de savon. Toute la rue embaumait. J’ai de nouveau pensé à ma Bouboulina et je me suis mis à pleurer. Je ne peux plus rester loin d’elle, patron. Je vais devenir fou. Tiens, je fais même des vers. Avant-hier, je ne pouvais pas dormir et je lui ai fait un petit poème. Je te prie de le lui lire pour qu’elle



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